Le Bulletin de l’ACPD

Volume 5, numéro 1

Dans ce numéro

Surspécialté

PPC et formation

Demandez aux experts

Pratique professionnelle

L’ACPD vue de l’intérieur

Message du président sortant
Todd Tomita, MD, FRCPC

Chers collègues,

Nous avons tous fait preuve de résilience et d’une grande capacité d’adaptation pendant que sévissait la pandémie de COVID. Notre passage au travail virtuel a été étonnamment productif. Une lueur d’optimisme se profile à l’horizon.

L’ACPD est heureuse d’avoir pu tenir son congrès et son assemblée générale annuelle en personne à l’hôtel Banff Springs du 3 au 6 avril 2022. Le comité du congrès de l’ACPD a fait preuve d’une grande capacité d’adaptation lorsqu’il a eu à intégrer les communications proposées en 2021 et celles proposées en 2022; nous étions heureux de poursuivre la tradition et de tenir un forum où tous les membres de l’ACPD qui le souhaitaient ont pu présenter leurs travaux et leurs intérêts. Nous croisons les doigts pour que la marche cahoteuse vers un retour à la normale se poursuive.

Le projet de l’ACPD visant à élaborer des lignes directrices canadiennes sur l’évaluation et la rédaction de rapports en psychiatrie légale continue de progresser. Les membres de l’ACPD devraient bientôt voir les six premières lignes directrices publiées sur le site Web de l’ACPD. À ce jour, le conseil d’administration a approuvé les lignes directrices suivantes :

1. Principes généraux
2. L’aptitude à comparaître
3. La responsabilité pénale
4. L’évaluation du risque de violence
5. L’évaluation du risque chez les délinquants dangereux et les délinquants à contrôler
6. Comportement sexuel et risque de délinquance sexuelle

Nous vous remercions tout particulièrement, vous, les membres de l’ACPD, de votre soutien sans faille. Vous avez peut-être été surpris par la facture de renouvellement de votre cotisation annuelle pour l’année 2021, que vous avez reçue en décembre. Bien que les factures d’adhésion soient normalement envoyées au cours de l’été, l’ACPD a procédé à une mise à niveau de sa technologie en 2021, et le système d’adhésion a migré vers une nouvelle base de données hébergée dans le nuage. Ce travail a pris un peu plus de temps que prévu. Votre soutien financier et votre participation continus sont très précieux et sont essentiels au succès de notre organisation. Veuillez surveiller votre avis de renouvellement d’adhésion pour l’année 2022, que vous recevrez au cours des prochaines semaines.

Nous vous souhaitons un bel été. Prenez soin de vous.

Surspécialité

Salutations de votre Comité de spécialité en psychiatrie légale du CRMCC
Brad Booth, MD, FRCPC, DABPN (psychiatre légiste)
Président, Comité de spécialité en psychiatrie légale

Comme dans tous les aspects de notre vie, le Comité de spécialité en psychiatrie légale du Collège royal a également été touché par la pandémie. Nos réunions en personne sont suspendues depuis mars 2020, mais nous avons tenu notre première réunion en personne le 3 avril 2022, à Banff.

Bien que le monde soit devenu virtuel, votre comité a poursuivi son travail bénévole au nom de la spécialité au Canada. Ce fut une année agréable mais chargée à la fois au CRMCC et pour vos représentants, qui consacrent 100 % de leur temps à cette importante cause qu’est l’enseignement et l’établissement des normes de la discipline.

En tant qu’association nationale de spécialistes, l’ACPD a établi un lien vital avec le Comité de spécialité en psychiatrie légale du Collège royal, qui a été formé en décembre 2009. Au sein du Comité de spécialité, nous travaillons en étroite collaboration avec l’ACPD et avec notre profession à l’échelle nationale pour établir des normes de formation dans notre spécialité, élaborer des examens, veiller à ce qu’une formation de qualité soit dispensée et délivrer des certificats aux personnes qui aspirent à devenir psychiatres légistes.

Les principaux membres votants du comité sont les suivants :

Dr Brad Booth – président
Dr Joel Watts – vice-président et président désigné
Dre Victoria Roth – région 1 (C.-B., Alb., Yn, T.N.-O.)
Dr Jeff Waldman – région 2 (Sask., Man.)
Dre Lisa Ramshaw – région 3 (Ont., NVT.)
Dr Fabien Gagnon – région 4 (Qc)
Dre Aileen Brunet – région 5 (N.-B., N.-É., Î.-P.-É., T.-N-.L.)

Le Dr Graham Glancy conserve sa fonction de président du comité d’examen, aux côtés de son équipe de membres dévoués — le Dr Mansfield Mela (vice-président), le Dr Johann Brink, le Dr Gary Chaimowitz, la Dre Shaheen Darani, le Dr Mathieu Dufour, le Dr Roy O’Shaughnessy, deux examinateurs anonymes de la qualité des examens et moi-même, à titre de membre d’office.

Outre les membres principaux, chacun des directeurs de programme des programmes agréés siège en tant que membre sans droit de vote. Depuis la reconnaissance officielle de la spécialité en avril 2011, huit écoles ont lancé des programmes agréés :

Université Directeur du programme
Université McMaster Dr. Yuri Alatishe
Université de Montréal Dre Jocelyne Brault
Université de l’Alberta Dre Lenka Zedkova
Université de la Colombie-Britannique Dr. Kulwant Riar
Université de Calgary Dr. David Tano
Université d’Ottawa Dr. Floyd Wood
Université de la Saskatchewan Dr. Azaad Baziany
Université de Toronto Dr. Sumeeta Chatterjee

Nous tenons à remercier les directeurs de programme sortants pour leur travail acharné et leur dévouement : la Dre Michelle Mathias, qui siégeait depuis octobre 2017 au comité à titre de directrice de programme, pour le programme offert par l’Université d’Ottawa, et le Dr Todd Tomita, qui siégeait depuis janvier 2014 au comité à titre de directeur de programme, pour le programme offert par Université de la Colombie-Britannique.

En outre, la Dre Kim St. John participera habituellement à nos réunions et apportera des idées et une expertise importantes en sa qualité de présidente du Comité de spécialité en psychiatrie; son mandat prendra fin le 30 juin 2023. Le Dr Léon Tourian prendra ensuite la relève en tant que président du Comité de spécialité.

Depuis l’officialisation de la surspécialité en 2011, 203 psychiatres au Canada ont été agréés par le CRMCC à titre de psychiatres légistes.

Nous sommes heureux de confirmer que le modèle de formation fondé sur les compétences (Compétence par conception [CPC]) a été adopté le 1er juillet 2021 par tous les programmes de formation en psychiatrie légale du Canada. Vous trouverez de l’information sur la CPC sur le site Web du CRMCC, notamment les compétences, les normes d’agrément et les expériences de formation. Avec les nouvelles expériences de formation, nous avons mis en évidence des cas de référence avec lesquels tous les stagiaires devront se familiariser. Consultez la récente publication des membres du comité de la CPC de l’American Academy of Psychiatry and the Law. (1)

Le comité de spécialité souhaite toujours entendre les Associés du Collège royal et les membres de l’ACPD. Nous continuons à travailler pour veiller à la qualité de la formation en psychiatrie légale. De plus, n’oubliez pas de remercier les membres de votre comité pour les heures innombrables qu’ils consacrent à la défense de notre surspécialité!

Références

1. Booth BD, Chatterjee S, Watts J et coll. Towards a new model of training in Canadian forensic psychiatry. J Am Acad Psychiatry Law 2021;49(3):381–395.

PPC et formation

C’était formidable de vous voir en chair et en os à l’occasion du congrès annuel de l’ACPD, qui s’est tenu du 3 au 6 avril, au Fairmont Banff Springs Hotel, à Banff, en Alberta. Veuillez inscrire à votre agenda le congrès de 2023, qui aura lieu du 7 au 10 mai à l’hôtel Prince George, à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Consultez le site Web de l’ACPD pour obtenir plus de détails.

Demandez aux experts

Entre l’arbre et l’écorce : dilemmes éthiques en psychiatrie légale
Graham Glancy, MB, ChB, FRCPC

Un membre de l’ACPD a posé la question qui suit : J’ai été engagé par un avocat de la défense très, disons, sûr de lui, qui a exigé, comme condition pour retenir mes services, que j’enregistre l’évaluation sur vidéo. Je ne suis pas habitué à cela et je me suis senti très mal à l’aise par rapport à cette demande. Que pensez-vous de cela?

Nous avons examiné ce cas avec le membre. Il s’agissait d’un homme de 21 ans qui était accusé du meurtre de sa mère, à la suite d’un incident où elle l’aidait à nettoyer sa chambre au sous-sol de la maison familiale après avoir insisté fortement pour le pousser à le faire. Il avait été inculpé la veille de l’appel de l’avocat, et on ne disposait d’aucune information mis à part un sommaire d’une page rédigé par la police, qui contenait très peu d’information. Le membre m’a dit qu’il avait l’habitude d’être engagé dans des cas où une quantité importante d’informations était fournie, y compris des déclarations de témoins, des entrevues enregistrées sur bande vidéo, des dossiers psychiatriques antérieurs, des dossiers psychiatriques du centre de détention et d’autres types d’informations. Ce qui rendait l’affaire encore plus difficile, c’était que le renvoi avait eu lieu le 22 décembre, quelques jours avant les vacances.

L’ACPD ne traite pas de la question de l’enregistrement vidéo des entrevues d’évaluation dans son code d’éthique ou ailleurs. (1) L’American Academy of Psychiatry and the Law (AAPL) a mis sur pied un groupe de travail chargé de cette question (AAPL Task Force, 1999) qui a conclu que l’enregistrement vidéo ne constitue pas une violation des normes éthiques et a analysé les arguments pour et contre cette procédure. Dans ses lignes directrices relatives aux évaluations judiciaires, le groupe de travail réaffirme la position de l’organisation, précisant que l’enregistrement vidéo est « acceptable, mais pas obligatoire ». (2) En effet, l’AAPL semble adopter une position neutre en concluant que la décision devrait être prise en fonction des circonstances de chaque cas et des préférences des parties concernées. Le Colorado a adopté une loi en 2017 qui rend obligatoire l’enregistrement vidéo des évaluations liées à la santé mentale et à des questions de responsabilité pénale connexes dans le cas de certaines infractions, et d’autres États ont adopté des lois similaires. (3)

Certains praticiens estiment que l’enregistrement vidéo pourrait avoir une incidence sur la relation entre la personne qui effectue l’évaluation et la personne évaluée. On a également fait valoir que, lorsque l’enregistrement vidéo est effectué des mois, voire des années après l’infraction, l’interprétation et la reconstitution soigneuses des faits et des souvenirs réalisées par les experts en psychiatrie légale risquent d’être négligées par un jury qui interprétera lui-même l’enregistrement. (3) La logistique entourant l’achat du matériel nécessaire, l’obtention de l’autorisation d’utiliser ce matériel dans les centres de détention et les mesures à prendre pour s’assurer que l’enregistrement original est conservé, non modifié et éventuellement mis à la disposition des parties concernées, présente certains défis. Ceux-ci sont potentiellement irritants, prennent du temps et entraînent des difficultés sur le plan technologique. On pourrait aussi soutenir que le psychiatre légiste est exposé à de potentielles nouvelles avenues de contre-interrogatoire sur la formulation de chaque question (question suggestive ou non), les questions non posées et l’attitude et le ton des évaluateurs qui posent des questions particulières. Toute question posée ou déclaration faite par l’évaluateur peut faire l’objet d’une question lors du contre-interrogatoire. Cela risque d’augmenter considérablement la durée et la portée du contre-interrogatoire, qui est déjà ardu pour le psychiatre légiste praticien. En outre, le psychiatre légiste peut être contraint de consacrer plus de temps à l’examen de l’enregistrement vidéo avant de rédiger son rapport et de témoigner au tribunal, ce qui augmente la durée et les frais de l’évaluation.

Martinez et Gray font également remarquer que, même si la personne évaluée a été avertie du caractère confidentiel limité de l’entretien, il se peut qu’elle ne soit pas consciente qu’elle pourrait ou devrait taire certaines informations personnelles pour se protéger. Ainsi, il est possible que certains éléments de l’évaluation soient enregistrés alors qu’ils ne sont pas pertinents pour répondre à une question médico-légale précise. Martinez soutient que la « zone de confidentialité » pourrait être rompue par l’enregistrement vidéo.

Lorsqu’on préconise l’utilisation de l’enregistrement vidéo, plusieurs points peuvent être soulevés. Premièrement, on dispose d’un dossier complet et précis. L’enregistrement peut être transcrit par une entreprise de transcription spécialisée et reconnue (même si cela fait augmenter le coût de l’évaluation). On peut affirmer que la plupart des psychiatres légistes prennent des notes sténographiques, écrites à la main ou dactylographiées, de sorte que, sans technologie, on dispose d’un rapport précis. Cependant, les observations consignées ne sont pas toujours tout à fait exactes, notamment lorsqu’il faut taper sur un clavier pendant que quelqu’un parle à 300 mots à la minute. Les sténographes judiciaires dûment formés disposent de claviers spéciaux qui leur permettent de taper à ce rythme, et même dans ce cas, ils doivent parfois demander à un témoin de parler plus lentement. Par conséquent, avec un dossier complet qui est vérifiable et reproductible, on accroît la transparence, ce qui contribue à l’atteinte de notre objectif d’honnêteté et d’objectivité.

Les enregistrements vidéo permettent notamment de capter l’état mental initial, tel qu’il était au moment de l’évaluation, pour une utilisation future. Ceci est particulièrement pertinent dans le cas présenté ci-dessus. L’avocat pourrait avoir raison de retenir les services d’un psychiatre légiste au début de la procédure afin d’interroger la personne évaluée le plus tôt possible après l’infraction. Dans ce cas, l’état mental de l’accusé est assez proche de ce qu’il était au moment de l’infraction. Ici, l’enregistrement pourrait être favorable. De plus en plus souvent, les psychiatres qui exercent en milieu carcéral traitent activement tout symptôme psychotique peu après l’admission dans un centre de détention. Il est également de plus en plus fréquent que, même si la personne évaluée ne veut pas prendre de médicaments ou n’a pas la capacité de consentir à la prise de médicaments, des transferts vers des hôpitaux psychiatriques soient organisés et qu’elle soit traitée selon les dispositions pertinentes de la loi sur la santé mentale. Il est courant que les avocats attendent d’avoir vu la divulgation de la preuve, ce qui survient souvent de 6 à 12 mois après un délit grave, avant de décider de faire appel à un psychiatre légiste. Il se peut, ainsi, que le psychiatre légiste évalue la personne un an ou plus après l’événement. Pendant ce temps, l’inculpé a pu être traité et sa mémoire a pu être affaiblie par le temps, le traitement ou les discussions avec d’autres personnes. Cela donne à penser qu’une visite préliminaire effectuée peu de temps après l’infraction présumée pourrait améliorer considérablement l’évaluation. Dans les cas graves, il peut s’écouler jusqu’à trois ans après la présumée infraction avant que la personne évaluée ne se présente devant le tribunal. Elle peut être soumise à un traitement et habillée et soignée avec soin; elle pourrait se présenter à un juge ou à un jury de manière très différente de celle qu’elle aurait eue peu après le délit. Un enregistrement vidéo réalisé au début de la procédure pourrait être utile pour démontrer l’état mental au moment de l’infraction.

Pour en revenir à la question de départ, l’avocat pourrait bien avoir raison de demander une évaluation préliminaire en utilisant un enregistrement vidéo. Bien sûr, si le psychiatre légiste ne veut pas ou ne peut pas se plier à cette demande, il peut refuser le mandat et diriger l’avocat vers un autre psychiatre légiste qui pourrait être disposé à le faire.

En résumé, au Canada, l’enregistrement vidéo des évaluations de la responsabilité pénale est acceptable sur le plan éthique, mais n’est pas obligatoire, et n’est pas non plus couramment pratiqué. L’enregistrement vidéo a ses avantages et ses inconvénients, et chaque praticien devrait discuter de la stratégie avec l’avocat embauché, et ce, au cas par cas.

Références

1. Académie canadienne de psychiatrie et droit. Guide éthique à l’intention des médecins psychiatres légistes canadiens. Ottawa, Ontario : auteur; 2019 [cité le 1er septembre 2021]. Disponible à l’adresse https://www.capl-acpd.org/wp-content/uploads/2019/06/CAPL-Ethics-FIN-Rev2019-FR.pdf.
2. Glancy G, Ash P, Bath E et coll. AAPL practice guideline for the forensic assessment. J Am Acad Psychiatry Law 2015;43(2 Suppl):S3–53.
3. Martinez R, Gray TB. Ethics in the mandated video recording of forensic evaluations. Dans : Griffith E (dir.). Ethics challenges in forensic psychiatry and psychology practice. New York (NY) : Columbia University Press; 2018. pp. 176–189.

Pratique professionnelle

Résultats préliminaires contestant la partialité des experts dans le cadre des EMI
Jeffrey Waldman, MD, FRCPC; Sarah Brown Ph. D.

Une évaluation médicale indépendante (EMI) est souvent demandée lorsqu’on a besoin d’une information ou d’un avis médical d’un évaluateur indépendant qui est un expert dans un domaine particulier de la médecine. Lorsqu’un expert évalue une personne, il n’est pas impliqué dans le traitement de cette personne. Son rôle est d’aider les décideurs, y compris les compagnies d’assurance, les tribunaux et les employeurs, en leur fournissant des informations médicales utiles au processus décisionnel. Les EMI constituent un instrument précieux, qui permet de déterminer l’incapacité ou la déficience (1) et les évaluateurs indépendants disposent souvent de ressources, de temps et d’informations secondaires supplémentaires dont ne disposent pas nécessairement les médecins traitants. Cependant, l’objectivité et l’indépendance des IME sont remises en question depuis plus d’un siècle, les évaluateurs indépendants étant qualifiés de « mercenaires » (2) et de « témoins à gages ». (3) Cette impression est étayée par des preuves empiriques limitées, voire inexistantes. (4) On ne sait pas encore si les évaluateurs indépendants font preuve d’un parti pris qui dépasse le parti pris inhérent à tous les experts, quel que soit leur rôle.

Au cours des trois dernières années, nous avons effectué deux ou trois EMI par semaine, souvent demandées par un nombre modeste, mais croissant de compagnies d’assurance, d’employeurs et de cabinets d’avocats. Afin de déterminer si les rapports d’EMI montrent que nos évaluations indépendantes favorisent la partie requérante qui finance le rapport (c.-à-d. sommes-nous des « mercenaires à la solde d’un tiers »?), nous avons recueilli des données anonymisées au moyen d’un sondage en ligne mené de janvier 2021 à novembre 2021. Au moyen du sondage en ligne, nous avons examiné les éléments suivants : les données sur la perception de biais; les résultats des EIM déclarés par les gestionnaires de cas, y compris la poursuite de l’indemnisation, le financement des mesures de réadaptation et la facilitation de l’accès aux traitements psychologiques ou psychiatriques; la satisfaction à l’égard du rapport; la rétroaction des demandeurs (si elle était fournie). Nous avons également recueilli, dans les rapports d’EMI produits pour le compte des compagnies d’assurance entre octobre 2020 et octobre 2021, des données rétrospectives sur les opinions et les recommandations quant à la présence d’une maladie mentale, à la manifestation de symptômes qui sont pertinents pour les décisions relatives au degré d’invalidité et aux recommandations de traitement psychologique ou psychiatrique continu. Nous avons ensuite déterminé si les compagnies d’assurance avaient communiqué avec notre clinique pour demander des évaluations supplémentaires, lorsque les rapports appuyaient la poursuite de l’invalidité et la nécessité d’un traitement supplémentaire.

Nous avons cherché à savoir si les résultats de nos EMI favorisaient le tiers qui les finançait, et si sa satisfaction et le fait de retenir de nouveau nos services ne résultaient que de son intérêt financier garanti ou probable.

Résultats du sondage

Satisfaction : seize gestionnaires de cas ont rempli le sondage et au moins 12 réponses ont été fournies à chaque question : 93,3 % (14/15) des répondants ont déclaré que le rapport répondait à leurs besoins et 100 % ont déclaré prendre en compte tous les renseignements pertinents fournis; 93,3 % étaient satisfaits du rapport final.

Partialité : sur la base de l’opinion fournie, 84,6 % (11/13) des répondants ont déclaré que le demandeur continuerait de recevoir des prestations et 85,7 % (12/14) ont déclaré que le demandeur serait encouragé à poursuivre son traitement psychologique ou psychiatrique ou à recourir à un tel traitement. Personne n’a dit que le rapport semblait biaisé en faveur du demandeur. Parmi les demandeurs qui ont fourni à leur gestionnaire de cas des commentaires sur le déroulement de l’évaluation (n = 7), 71,4 % ont émis une impression globalement positive.

Résultats rétrospectifs de la collecte de données

Cinquante EMI ont été réalisées entre le 1er octobre 2020 et le 31 octobre 2021 pour le compte de compagnies d’assurance. Parmi celles-ci, 44 (88 %) recommandations comportaient une opinion selon laquelle la personne évaluée avait une maladie mentale nécessitant un traitement psychologique continu ou supplémentaire. Le même nombre de recommandations mentionnait que le demandeur continuait à avoir des difficultés à fonctionner au travail en raison de sa maladie mentale ou présentait des restrictions médicales liées à son diagnostic psychiatrique. En ce qui concerne les six autres demandeurs, on ne pensait pas qu’ils avaient, ni ne présentaient, de symptômes psychiatriques, et il a été recommandé que leur cas soit examiné par un autre expert médical. Une personne avait subi un traitement intensif, sans résultat; par conséquent, la poursuite du traitement n’a pas été recommandée et la personne a été jugée « atteinte d’une invalidité totale ». Deux demandeurs (4 %) étaient considérés comme souffrant d’un trouble de l’usage d’une substance sans lien avec le dommage indemnisable, et, dans les deux cas, des recommandations de traitement ont été formulées. Dans deux cas (4 %), il a été jugé que le demandeur ne souffrait pas d’un trouble psychiatrique lié à la demande.

Les EMI avaient été commandées par 10 compagnies d’assurance différentes. Sept ont demandé trois rapports ou plus, le nombre d’EMI par entreprise variant de 1 à 19. Au total, 76 % des EMI ont été commandées auprès de quatre compagnies d’assurance, et trois des quatre compagnies n’ont jamais reçu d’avis indiquant que le demandeur ne souffrait pas d’une maladie mentale ou qu’il avait besoin d’un traitement psychologique régulier. Rien ne prouve qu’une opinion selon laquelle le demandeur souffrait d’une maladie mentale, qu’il restait incapable de travailler en raison de sa maladie mentale ou qu’il avait encore besoin d’un traitement psychologique a empêché les compagnies de demander des évaluations supplémentaires.

Conclusions préliminaires

Sur la base des résultats du sondage et des résultats des EMI, il ne semble pas y avoir de preuve que les évaluateurs indépendants dans ce contexte sont rémunérés pour une opinion en faveur du tiers ou sont « au service du tiers ». (5) Contrairement aux déclarations hasardeuses au sujet de la nature biaisée des EIM (c.-à-d., « bien trop souvent, l’évaluateur fournit une évaluation sans réserve, biaisée ou bâclée » et « la réadaptation et les prestations sont souvent interrompues sur la base d’un rapport déficient ») (6), nos résultats donnent à penser que le tiers demandeur est environ neuf fois plus susceptible de recevoir une opinion selon laquelle le demandeur a une maladie mentale ayant un impact sur son fonctionnement et a besoin d’un traitement psychiatrique supplémentaire. Une opinion en faveur du demandeur n’a pas empêché les décideurs tiers de demander des évaluations par la suite.

Même si nous reconnaissons qu’il s’agit d’une conclusion préliminaire fondée sur un échantillon de petite taille et des données exploratoires, elle souligne que l’idée selon laquelle tous les évaluateurs indépendants ont un parti pris pour le tiers demandeur est inexacte. Il s’agit d’un point de vue préoccupant et problématique qui peut causer des tensions et des soupçons et entraver le processus d’évaluation psychiatrique, lequel requiert un degré de confiance et d’honnêteté, et de bons rapports entre les différents protagonistes pour produire des recommandations de traitement et des accommodements qui sont le mieux adaptés à chaque personne évaluée. Des sites Web ont été créés, proposant la marche à suivre pour se préparer à une EMI, ce qui peut nuire aux résultats de l’évaluation (7), sans que cela ne profite ni au demandeur ni à l’expert évaluateur. Il est important de continuer à examiner et à réfuter ces perceptions inexactes de partialité pour améliorer les meilleures pratiques et faciliter un échange positif entre l’évaluateur et la personne évaluée.

Limites

Plusieurs limites sont importantes à mentionner. Premièrement, nous reconnaissons que nos résultats sont fondés sur une seule clinique et un échantillon de petite taille. Il est certain que le biais inhérent à chaque évaluateur indépendant diffère. Toutefois, ces résultats ne tiennent compte que de la clinique dont les données ont été tirées et ne peuvent être utilisés pour faire une déclaration générale sur la partialité des EMI en général. Deuxièmement, cette enquête a été menée à l’interne. Bien que nous n’ayons pas intentionnellement biaisé nos opinions pour soutenir notre hypothèse, on ne peut l’exclure. Enfin, environ les deux tiers des gestionnaires de cas n’ont pas répondu au sondage en ligne après avoir reçu le rapport qu’ils avaient demandé. Par conséquent, il est possible qu’un biais d’échantillonnage ait faussé les résultats du sondage en ligne.

Ces résultats préliminaires sont la première étape de notre examen de la perception de biais dans le contexte des EMI. Nous sommes en train d’élargir la portée de cette étude pour y inclure un plus large éventail de cliniques et d’évaluateurs indépendants. Si vous souhaitez participer à une étude de plus grande envergure sur le sujet, veuillez communiquer avec nous à sbrown@roblinfg.ca.

Références

1. Ky P, Hameed H, Christo PJ. Independent medical examinations: facts and fallacies. Pain Physician 2009;12:811–818 [cité le 4 novembre 2021]. Accessible à l’adresse https://www.paulchristomd.com/wp-content/theme s/flowhub/pdf/IME%20FINAL.pdf.
2. Blackwell T. Hired gun in a lab coat: how medical experts help car insurers fight accident claims. The National Post [archives du site Web]; 2017. [Cité le 11 novembre 2021]. Accessible à l’adresse https://nationalpost.com/news/hired-gun-in-a-lab-coat-how-medical-experts-help-car-insurers-fight-accident-claims.
3. Simmons LRS. Justice by witnesses-for-hire [archives du site Web, 1992]. The Christian Science Monitor [cité le 5 novembre 2021]. Accessible à l’adresse https://www.csmonitor.com/1992/0114/14181.html.
4. Waldman J, Oswald T, Johnson E et coll. Independent assessors in contrast to treating physicians as expert witnesses in Canada: comparing duties and responsibilities. The Journal of Forensic Psychiatry & Psychology 2020;31:541–544.
5. Tomlinson K. Licensed to bill: how doctors profit from injury assessments that benefit insurers [archives du site Web, 2017]. The Globe and Mail. [Cité le 4 novembre 2021]. Accessible à l’adresse
https://www.theglobeandmail.com/news/investigations/doctors-insurance-independent-medical-examinations/article37141790/.
6. FAIR Association of Victims for Accident Insurance Reform. The independent insurer medical examination IME/IE. Mississauga : FAIR; sans date. [Cité le 5 novembre 2021]. Accessible à l’adresse http://www.fairassociation.ca/the-independent-medical-examination-imeie/
7. Horwitz JE, McCaffrey RJ, Thompson B. A review of internet sites regarding independent medical examinations: implications for clinical neuropsychological practitioners. Appl Neuropsychol 2006;13:175–179.

R. c. Minassian : L’autisme est considéré comme un trouble mental
Brian Robertson, MD; Jason Quinn, MD, FRCPC; Graham Glancy, MB, ChB, FRCPC

Le 23 avril 2018, Alek Minassian, un homme de 26 ans porteur d’un trouble du spectre de l’autisme (TSA), a utilisé une camionnette de location comme arme pour tuer 10 personnes et en blesser 16 autres à Toronto. Il a été interrogé peu après son arrestation et a fait de multiples déclarations incriminantes, avouant, notamment, qu’il a loué la camionnette avec l’intention de tuer des gens. Cet interrogatoire a été communiqué à la presse avant le procès et a été largement diffusé. L’avocat de M. Minassian a choisi de demander que la cause soit instruite devant un juge seul, estimant probablement qu’il serait impossible de trouver un jury impartial.

Les faits n’ont pas été contestés tout au long du procès de M. Minassian. La défense a admis les faits nécessaires pour établir les accusations de meurtre au premier degré et de tentative de meurtre. La question centrale de l’affaire était l’état d’esprit de M. Minassian au moment des infractions commises. Ce dernier a plaidé non coupable aux 26 chefs d’accusation, en invoquant comme moyen de défense l’article 16 du Code criminel (non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux [NRCTM]).

Pour être admissible à une défense en vertu de l’article 16, l’accusé doit d’abord établir qu’il était atteint de troubles mentaux et, ensuite, que les troubles mentaux le rendaient incapable de juger de la nature et de la qualité de l’acte ou de l’omission, ou de savoir que l’acte ou l’omission était mauvais. (1)

Ce que nous appelons aujourd’hui la défense de NRCTM a été établi pour la première fois en 1843 par le droit britannique sous le nom de Règles de M’Naghten, dont le Canada a hérité en 1867, et est devenu la base du premier Code criminel. La jurisprudence canadienne a apporté d’autres éléments concernant l’affaire R. c. Minassian. Par exemple, dans l’affaire R. c. Kjeldsen, la Cour suprême a statué qu’une personne juge la nature et la qualité d’un acte si elle sait ce qu’elle fait et si elle a conscience des conséquences physiques de l’acte. (2) Dans l’affaire R. c. Chaulk, savoir qu’un acte est mauvais signifie savoir que cet acte est moralement répréhensible et non pas illégal. (3) Dans l’affaire R. c. Oommen, la Cour suprême a recadré la question de la reconnaissance du caractère mauvais d’un acte en recourant à la notion de capacité cognitive limitée. Le juge McLachlin a statué qu’un accusé devait être exempté de responsabilité pénale en raison d’un trouble mental si « les troubles mentaux dont il souffrait au moment de l’acte l’empêchaient de juger de façon rationnelle et donc de faire un choix rationnel quant au caractère bon ou mauvais de l’acte. » (4)

Une défense de NRCTM ne peut être retenue que si l’accusé souffrait d’« un trouble mental ». Le père de M. Minassian a témoigné qu’on avait établi chez M. Minassian un diagnostic de trouble du développement envahissant (maintenant connu sous le nom de TED) lorsqu’il était enfant. Tous les experts qui ont interrogé M. Minassian s’accordaient pour dire qu’il était atteint d’un trouble du spectre de l’autisme, mais sans troubles cognitifs et avec une intelligence au-dessus de la moyenne.

Avant ce procès, aucun tribunal canadien n’avait déterminé si le TSA devait être considéré comme un trouble mental au sens de l’article 16 du Code criminel. Dans Cooper c. la Reine, la Cour suprême du Canada a statué que les « troubles mentaux » devaient recevoir une « interprétation large et libérale », mais que cette définition était une définition juridique, par opposition à une définition médicale. (5)

Dans l’affaire Minassian, la juge a d’abord cherché à déterminer si le TSA constitue un trouble mental au sens du Code criminel. Elle s’est tournée vers la jurisprudence existante pour se guider. Seulement un cas canadien (6) et deux cas américains (7,8) ont traité de la question de savoir si le TSA est considéré comme un trouble mental, et la question n’a été réglée dans aucun cas.

La juge Molloy a décidé que le TSA est considéré comme un trouble mental parce qu’il a « une cause interne, enracinée dans le cerveau, et a souvent un lien génétique » [traduction]. C’est une « maladie permanente… [qui] a un impact sur le fonctionnement du cerveau et les processus mentaux. Le TSA pourrait entraîner chez une personne l’incapacité d’appréhender la nature d’un acte ou de savoir que l’acte est mauvais. » [traduction] Elle a précisé en outre que « les personnes porteuses d’un diagnostic de TSA ne pourront pas toutes invoquer pour leur défense la non-responsabilité criminelle » car « tout dépend de la situation particulière de l’individu et de la façon dont il est affecté par son handicap. » [traduction] (9)

Quant à savoir si M. Minassian était « incapable de juger de la nature et de la qualité de l’acte ou de l’omission, ou de savoir que l’acte ou l’omission était mauvais », la juge a estimé qu’il n’y avait aucun doute que l’accusé avait apprécié la nature et la qualité de son acte, sur la base des entretiens au cours desquels il a démontré qu’il savait que ce qu’il faisait constituerait un meurtre au premier degré, qu’il pouvait définir le terme prémédité et qu’il savait que le meurtre est une infraction pénale.

Ce qu’il fallait faire, en fin de compte, était de déterminer si M. Minassian savait que son acte était répréhensible au sens du Code criminel. Sur la base des entretiens avec des psychologues et des psychiatres, la juge a conclu que M. Minassian avait compris, à un niveau intellectuel, que la société jugerait son acte comme étant moralement mauvais. Toutefois, elle a estimé que l’affaire R. c. Oommen énonçait des principes supplémentaires pour déterminer si un défendeur « [savait] que [l’acte ou l’omission] était mauvais » [traduction], comme suit :

  1. Selon une analyse de l’article 16, l’accent n’est pas mis sur la capacité intellectuelle de l’accusé de distinguer le bien du mal au sens abstrait, mais sur sa capacité de savoir qu’un acte donné était mauvais dans les circonstances particulières de l’affaire.
  2. La question est de savoir si l’accusé possédait la capacité de savoir que l’acte en question était moralement mauvais selon les normes d’une personne ordinaire.
  3. On ne peut dire à un accusé de « savoir » que quelque chose est « mauvais » au sens de l’article 16 si, en raison d’un trouble mental, il n’a pas la capacité de décider rationnellement si l’acte est bon ou mauvais et donc de faire le choix rationnel de l’accomplir ou non.
  4. Cela n’excuse pas les personnes psychopathes ou les personnes qui suivent leur propre code de conduite déviant parce qu’elles choisissent de le faire, et non parce qu’elles sont incapables de savoir que leurs actes sont mauvais aux yeux de la société.

La juge Molloy a décidé que M. Minassian savait que son acte était mauvais selon ces quatre principes. Elle s’appuie sur le fait qu’il a pris une décision calculée en utilisant une camionnette de location pour tuer le plus de personnes possible afin d’acquérir notoriété et célébrité. Si l’accusé n’avait pas compris le caractère moralement mauvais de ses actes, il n’aurait pas conçu un plan pour acquérir une notoriété secondaire à la réaction horrifiée du public face à son acte. Il a été reconnu coupable des 10 chefs d’accusation de meurtre au premier degré et des 16 chefs d’accusation de tentative de meurtre.

Cette affaire établit clairement que le TSA peut être considéré comme un trouble mental, qui peut constituer le fondement d’une défense en vertu de l’article 16. Elle réaffirme qu’il faut déterminer si l’accusé possédait la capacité de savoir que l’acte en question était moralement mauvais selon les normes d’une personne ordinaire, tel que l’a démontré l’affaire R c. Oommen. Bien que cette décision n’ait été rendue que dans un cadre provincial, elle pourrait être suivie par d’autres tribunaux provinciaux et territoriaux qui ont une compétence commune.

Références

1. Code criminel L.R.C. (1985), ch. C-46.
2. R. c. Kjeldsen, [1981] 2 R.C.S. 617.
3. R. c. Chaulk, [1990] 3 R.C.S. 1303.
4. R. c. Oommen, [1994] 2 R.C.S. 507.
5. R. c. Cooper, [1980] 1 R.C.S. 1149.
6. R. c. J.F., [2019] ONCA 432.
7. États-Unis c. Cottrell, 333 F. Appendix 213 (9th circ. 2009).
8. People c. Larsen, 140 Cal. Rptr. 3d 762, 205 Cal. App. 4th 810 (Ct. App. 2012).
9. R c. Minassian [2021] ONSC 1258.

L’automatisme revisité : R. c. Sullivan
Graham Glancy, MB, ChB; Kiran Patel, MBBS

Les éléments d’une infraction criminelle sont l’actus reus et le mens rea. En psychiatrie légale, nous nous préoccupons le plus souvent du mens rea, l’état d’esprit coupable, qui peut être affecté par un trouble mental, et dans pareil cas, la défense de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux (NRCTM) est envisagée. Les composantes de l’actus sont, entre autres, le caractère volontaire et la conscience. Dans certaines circonstances, il a été avancé que l’actus exige que l’acteur ne soit pas inconscient et n’agisse pas de manière involontaire. Les tribunaux se sont heurtés aux concepts complexes que sont l’automatisme et le caractère volontaire. Dans une décision récente, la Cour d’appel de l’Ontario a jeté un nouveau regard sur cette question complexe. Bien que cette affaire ait été intitulée R. c. Sullivan (1), elle portait en fait sur deux affaires communes : celle de David Sullivan et celle de Thomas Chan.

R. c. Chan

En 2015, Thomas Chan consommait des « champignons magiques » avec des amis dans le sous-sol de chez sa mère. Il n’avait aucun antécédent de comportement criminel antisocial. Peu après avoir ingéré les champignons, il a commencé à parler de manière incompréhensible et à traiter sa mère et sa sœur de Satan et du diable. Il est allé ensuite chez son père, qui habitait à proximité, et a fracassé la fenêtre. Ne semblant pas reconnaître son père, il a commencé à poignarder celui-ci à plusieurs reprises jusqu’à ce qu’il meure. Il a ensuite attaqué la conjointe de son père, qui a témoigné qu’elle ne pensait pas qu’il la reconnaissait. Au procès, M. Chan a soutenu que l’article 33.1 du Code criminel du Canada – la loi qui l’empêchait d’invoquer un état d’intoxication volontaire pour réfuter l’intention générale ou le caractère volontaire requis pour commettre l’infraction – n’était pas constitutionnel.

R. c. Sullivan

M. Sullivan avait reçu une ordonnance de Wellbutrin pour arrêter de fumer. Il a pris ce médicament pendant un certain temps et en a abusé de temps en temps. Il a apparemment commencé à vivre des épisodes au cours desquels il croyait que des extraterrestres vivaient dans son condominium. Le jour de l’infraction, M. Sullivan a pris de 30 à 80 comprimés de Wellbutrin dans le but de se suicider. Il a par la suite attaqué sa mère, après l’avoir fait entrer dans la chambre pour lui montrer l’extraterrestre qu’il pensait avoir vu entrer dans sa chambre. Lorsque sa mère lui a dit qu’il se trompait, il l’a poignardée, croyant qu’elle était une extraterrestre. Sa mère a survécu à l’attaque, mais est décédée avant le procès de causes sans liens avec l’agression.

Au procès, la défense d’automatisme sans aliénation mentale a été soumise. M. Sullivan n’a pas contesté la validité constitutionnelle de l’article 33.1. Il a fait valoir que cet article ne s’appliquait pas parce que son intoxication n’était pas volontaire, puisque le médicament avait été prescrit à des fins médicales et qu’il a été pris, ultimement, dans le but de se suicider et non dans le but de s’intoxiquer. Il a plutôt utilisé la défense d’aliénation mentale. Le juge de première instance a conclu que, premièrement, la cause de l’automatisme de M. Sullivan était l’ingestion de Wellbutrin et, par conséquent, qu’il s’agissait d’une cause externe; et deuxièmement, que M. Sullivan ne représentait pas un danger permanent. Il a conclu que l’automatisme n’était pas causé par un trouble mental, mais par une intoxication; par conséquent, la défense de NRCTM ne s’appliquait pas. Le juge de première instance a ensuite conclu que la défense d’automatisme sans aliénation mentale était exclue parce que l’intoxication avait été volontaire, en ce sens que l’accusé avait ingéré délibérément le médicament (mais avec l’intention de se tuer). M. Sullivan a été reconnu coupable de voies de fait graves et d’utilisation d’une arme pour commettre une agression.

Automatisme

Dans le passé, Lord Denning a défini l’automatisme comme étant :
« une activité musculaire indépendante de la volonté, tel un spasme, un réflexe ou une convulsion; ou un acte accompli par une personne qui n’a pas conscience de ce qu’elle fait, tel un acte accompli alors qu’elle souffre d’une commotion ou qu’elle est dans un état de somnambulisme (Bratty c. Attorney-General for Northern Ireland, 1963, para. 409.) (2) » [traduction]

Cette définition met l’accent sur les mouvements musculaires involontaires. Par exemple, un motocycliste qui conduit de manière erratique pendant qu’il se fait attaquer par un essaim d’abeilles, ou une personne qui agite les bras en éternuant, heurtant ainsi une bougie et déclenchant un incendie. Certains types d’épilepsie et traumatismes cérébraux pourraient également correspondre à cette définition. Dans les sections suivantes, nous abordons d’autres exemples, y compris le somnambulisme et la dissociation.

R. c. Rabey

L’affaire R. c. Rabey (1980) est une affaire mettant en cause la dissociation, qui a finalement abouti à la Cour suprême. (3) On a par la suite défini l’automatisme comme étant « un comportement qui se produit à l’insu de la conscience et qui échappe à la volonté. C’est l’état d’une personne qui, tout en étant capable d’agir, n’est pas consciente de ce qu’elle fait. » Dans sa décision, le tribunal a également fait la distinction entre automatisme avec aliénation mentale et automatisme sans aliénation mentale, le premier résultant d’une maladie de l’esprit. L’automatisme sans aliénation mentale a été défini comme un déséquilibre mental momentané provoqué par un facteur spécifiquement externe.

R. c. Parks

Dans l’affaire R. c. Parks (1992), la Cour suprême a abordé la question du somnambulisme et de l’automatisme. (4) La question qui se posait à la Cour suprême en appel était de savoir si le somnambulisme devait être considéré comme un automatisme sans aliénation mentale, entraînant un acquittement, ou s’il devait être considéré comme une maladie mentale, entraînant ce que l’on appelait alors « non-culpabilité pour cause d’aliénation ». Le tribunal a utilisé un test en deux étapes pour décider si le comportement présenté était dû à une maladie de l’esprit. Une pathologie de l’esprit devrait être causée par quelque chose d’interne à l’esprit du cerveau de l’accusé. Il est probable qu’elle se reproduise et représente donc un danger pour le public si elle n’est pas traitée. Il est à noter que le projet de loi C-30, qui a remplacé la non-culpabilité pour cause d’aliénation par la NRCTM, a été adopté en 1991, alors que l’affaire était traitée par les divers tribunaux.

R. c. Stone

Dans l’affaire R c. Stone de 1999, le tribunal a statué qu’un processus en deux étapes doit être suivi avant que l’automatisme puisse être accepté comme défense et qu’un témoignage d’expert doit être demandé. (5) En outre, un changement important a été apporté en ce qui concerne le fardeau de la preuve et la norme de preuve. Dans R. c. Parks, le fardeau de la preuve concernant le caractère volontaire de l’acte était imposé à la Couronne. Dans R. c. Stone, cela a été transféré à la défense, qui devait prouver le caractère involontaire en invoquant la prépondérance des probabilités. Si l’existence de l’automatisme est considérée comme établie, le tribunal doit rechercher si la cause de l’automatisme est un facteur interne, comme un trouble mental, ou un facteur externe, comme un coup à la tête, et s’il y a, par conséquent, un danger permanent. L’affaire a mis en évidence plusieurs autres facteurs susceptibles d’étayer une allégation d’automatisme, notamment la gravité du stimulus déclencheur, les preuves corroborantes apportées par les témoins de l’acte, les antécédents médicaux de tels états, tout motif pouvant expliquer le crime et le fait que le déclencheur soit également la victime du crime.

C. c. Daviault

Dans R. c. Daviault (1994), le tribunal devait déterminer si l’intoxication volontaire pouvait conduire à un niveau de gravité tel qu’il pouvait être considéré comme un automatisme, de sorte que le défendeur ne pouvait pas posséder l’intention minimale nécessaire pour commettre l’infraction, en l’occurrence un viol. (6) Dans sa décision, le tribunal a fait référence à ce qu’on appelait la règle Leary. Dans l’affaire R. c. Leary (1978), il a été jugé que l’intoxication pouvait être une défense pour les infractions pénales impliquant une intention particulière, mais qu’elle ne pouvait pas être utilisée pour des crimes impliquant seulement une intention générale. (7) En vertu de la règle Leary en vigueur, l’intention de l’accusé de s’intoxiquer est substituée à l’intention de commettre un acte dangereux. Cela signifie que l’imprudence démontrée par un accusé qui s’intoxique volontairement est suffisamment blâmable pour conclure qu’une infraction d’intention générale a été commise.

Le tribunal a statué que l’application stricte de la règle Leary portait atteinte à la présomption d’innocence et contrevenait donc à l’article 11(d) de la Charte canadienne des droits et libertés. (8) En d’autres termes, l’intention de s’intoxiquer ne pouvait pas être substituée à l’intention de commettre un crime. Le tribunal a mentionné que l’automatisme ne s’appliquerait que dans de rares cas d’intoxication extrême. M. Daviault a donc été acquitté.

Cette décision a suscité une réaction publique rapide et virulente. La presse, les associations de policiers et l’Association canadienne des centres contre les agressions à caractère sexuel ont critiqué le jugement en disant qu’il fournissait une excuse à la violence masculine contre les femmes. Neuf mois plus tard, le Parlement a promulgué l’article 33.1 du Code criminel, visant spécifiquement à protéger les femmes et les enfants contre la violence masculine impliquant l’intoxication. (9) Cette loi ferme la porte à une défense d’intoxication volontaire pour toute infraction en rapport avec l’intégrité physique de la victime si l’infraction exige une intention générale, mais non une intention particulière.

Décision de la Cour d’appel de l’Ontario

Plus de deux décennies après l’arrêt R. c. Daviault, dans l’affaire R. c. Sullivan de 2020, le tribunal a invalidé l’article 33.1 du Code criminel au motif qu’il était contraire à la présomption d’innocence en ce sens que la personne n’a pas la volonté ou le libre arbitre nécessaire pour commettre l’acte et qu’il violait les principes de justice fondamentale. La cour a conclu qu’il n’était pas manifestement justifié dans une société libre et démocratique et qu’il n’était donc pas protégé par l’article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Le rejet de l’article 33.1 conduit à deux options. La première est la restauration du précédent Daviault. Sur cette base, l’intoxication extrême assimilable à un automatisme nécessiterait un témoignage d’expert, serait soumise à une inversion de la charge de la preuve et resterait difficile d’accès. La deuxième est que le Parlement examine les solutions de rechange à l’article 33.1 et envisage de rendre criminel le fait de commettre un acte interdit en état d’ivresse (ou dans un autre état d’intoxication). C’est ce qu’a soutenu la Commission de réforme du droit du Canada dans des avis antérieurs.

Un appel a été interjeté à l’encontre de cette décision devant la Cour suprême par le Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes (FAE). Une décision définitive de la cour aidera à clarifier les prochaines mesures à prendre. Toutefois, dans les affaires susmentionnées, des juges et des cours d’appel exceptionnellement compétents à l’échelle provinciale ont rendu des jugements si éclairés qu’il sera difficile pour la Cour suprême d’annuler cette décision.

Références

1. R. c. Sullivan [2020] ONCA 333.
2. Bratty c. Attorney-General for Northern Ireland [1963] UKHL 3 [à la page : 409] 3. R. c. Rabey [1980] 1 R.C.S. 513 [à la page : 514] 4. R. c. Parks [1992] 2 R.C.S. 871.
5. R. c. Stone [1999] 2 R.C.S. 290.
6. R. c. Daviault [1994] 3 R.C.S. 63.
7. R. c. Leary [1978] 1 R.C.S. 29.
8. Charte canadienne des droits et libertés : Partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, soit l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, ch. 11 (R.-U.) (1982).
9. Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, s. 752.

Mise en œuvre de la CPC dans les programmes de spécialisation en psychiatrie légale : l’expérience de l’Université de Toronto

Sumeeta Chatterjee, MD, FRCPC; Laeticia Eid, MD, FRCPC; Treena Wilkie, MD, FRCPC; Graham Glancy, MB, ChB, FRCPC

Au cours des deux dernières décennies, les meilleures pratiques en matière de formation médicale ont amené le Canada à s’intéresser au modèle de formation fondé sur les compétences (Compétence par conception [CPC]), suivant ainsi la voie de nombreux autres pays qui ont déjà adopté ce nouveau modèle. Dès 2017, sous la direction du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada (CRMCC), les programmes de résidence en médecine ont commencé à adopter la CPC et certains programmes en psychiatrie légale ont mis en œuvre la CPC en juillet 2021. (1) Tous les membres du corps enseignant qui travaillent et enseignent dans des installations de formation en psychiatrie légale ont été encouragés à se familiariser avec les principes de base du cadre de formation par compétences et à réfléchir à la manière dont la CPC s’applique au programme de formation d’un an en psychiatrie légale et dont elle est mise en œuvre sur le terrain.

La CPC repose sur quelques principes fondamentaux : les résidents doivent être évalués sur la base de l’observation directe des compétences principales propres à chaque discipline; pour évaluer l’apprentissage, on doit effectuer des évaluations à faible enjeu fréquentes et des évaluations à enjeu élevé peu fréquentes; la reconnaissance de la compétence est optimisée par l’analyse de plusieurs points de données au fil du temps, validée par un groupe de spécialistes du contenu et d’experts en éducation plutôt que par des superviseurs.

Le modèle de formation fondé sur la CPC reconnaît que la progression de l’apprenant passe par de nombreuses étapes au fur et à mesure que ses compétences se développent, et que les attentes en matière d’évaluation doivent tenir compte de ces étapes. Ainsi, pour tous les programmes, les quatre étapes de la formation sont les suivantes : progression vers la discipline, acquisition des fondements de la discipline, maîtrise de la discipline et transition vers la pratique. Les tâches principales qui englobent les rôles CanMEDS sont évaluées au moyen de l’observation directe des activités professionnelles confiables (APC) pouvant être exécutées, qui sont propres à la discipline et au stade de formation. Les APC sont des outils destinés non seulement à évaluer, mais également à fournir aux résidents des commentaires opportuns, efficaces et exploitables, afin de favoriser le développement des compétences. On s’attend à ce que les résidents tentent plusieurs fois des APC à chaque étape de leur formation, jusqu’à ce qu’ils atteignent le nombre désiré de compétences à acquérir à chaque étape, avant de passer à l’étape suivante de la formation. De plus, au lieu que ce soit les superviseurs qui déterminent l’aptitude à passer au stade suivant, un comité de compétence se réunit régulièrement pour analyser toutes les données d’évaluation disponibles relatives à chaque apprenant, déterminer les points forts et les domaines à améliorer, et finalement, rendre des décisions sur l’aptitude à passer à l’étape suivante de l’apprentissage et à l’examen du Collège royal.

La CPC en psychiatrie légale

Les programmes de formation en psychiatrie légale ont mis en œuvre le nouveau programme de CPC en juillet 2021, après que le comité de surspécialité du Collège royal, représenté à l’échelle nationale, a passé trois ans à définir les détails de tous les éléments propres à la discipline pour les composantes susmentionnées du modèle de formation fondé sur les compétences. (1) Cela comprenait le développement des compétences en psychiatrie légale, les exigences en matière de formation et les APC. Les lecteurs sont encouragés à consulter ces documents. (2)

Pour opérationnaliser ce programme, le programme d’un an en psychiatrie légale a d’abord dû attribuer des jalons temporels à chaque étape de la formation, comme le montre la figure 1.

Figure 1. Continuum de la CPC illustrant les étapes de la formation

Comme indiqué, pour passer à l’étape suivante, le résident doit d’abord atteindre la première compétence à maîtriser dans les APC attribuées à l’étape où il se trouve, et ce, un nombre déterminé de fois. Le tableau 1 présente un aperçu des APC en psychiatrie légale. L’étendue du travail d’évaluation médico-légale auquel les stagiaires doivent être exposés ou pour lequel ils doivent acquérir des compétences est prise en compte dans les variables contextuelles des APC ou dans le journal de bord des cas cliniques.

Tableau 1. Liste de contrôle des activités professionnelles confiables (APC) en psychiatrie légale

Vous pouvez vous servir de ce tableau comme liste de contrôle pour suivre l’exécution de vos APC, les mandats confiés, et pour déterminer si vous maîtrisez la compétence requise par l’activité confiable. Des comités de compétence sont créés dans chaque programme de formation et sont composés généralement de membres du corps enseignant en psychiatrie légale qui sont des spécialistes du contenu et des experts en éducation. Le travail de ce comité est encadré par un président, qui coordonne au moins quatre réunions par an, correspondant à chaque étape de la formation. Chaque résident est présenté par un évaluateur principal qui a effectué une analyse détaillée de toutes les données d’évaluation. Les données d’évaluation comprennent les APC ainsi que d’autres outils d’évaluation, comme les rapports d’évaluation en cours de formation, les évaluations sommatives de fin de stage, les formulaires de rétroaction multisources, les formulaires de rétroaction de la personne qui effectue le coaching et les formulaires d’auto-évaluation des résidents. L’examinateur principal documente ses conclusions, qui sont ensuite présentées au comité; le comité examine alors les conclusions et prend une décision quant au passage du résident à la prochaine étape de la formation. Il est possible d’apporter des modifications au plan d’apprentissage des stagiaires et des résidents qui ont de la difficulté. À l’inverse, il est possible de faire des recommandations pour approfondir les expériences de formation de ceux qui excellent.

Mise en œuvre d’un programme axé sur la CPC en psychiatrie légale

La mise en œuvre de la CPC à l’Université de Toronto a nécessité une planification importante, le recrutement de spécialistes de l’éducation et le soutien central du bureau des études supérieures de l’université. Le processus de planification a commencé un an avant la mise en œuvre. Il est conseillé de créer un comité des opérations de la CPC, dirigé soit par le directeur du programme, soit par un responsable de la CPC nommé à cette fin, pour diriger le travail et faire rapport de ses progrès au comité du programme de résidence.

Les principales tâches à effectuer au début du processus étaient les suivantes :

  • planification de l’expérience de formation
  • rédaction d’un rapport sur les écarts
  • conception du programme d’études et du plan d’évaluation
  • conception d’un plan de perfectionnement du corps enseignant et de l’apprenant

Ensuite, le programme devait aborder les points suivants :

  • l’élaboration d’outils d’évaluation (APC, rapports d’évaluation en cours de formation et autres)
  • plans de stage des nouveaux résidents
  • la formation d’un comité de compétence.

Les dernières étapes étaient les suivantes :

  • la production des calendriers des apprenants et des sites de stage et de résidence
  • séances accélérées de perfectionnement du corps enseignant et des apprenants, à l’aide de plusieurs modalités, dans les mois précédant la mise en œuvre.

À la première étape, le processus de planification des expériences de formation consistait à s’assurer que le programme pouvait offrir toutes les expériences de formation requises et recommandées (et, idéalement, les expériences de formation facultatives), telles qu’énoncées dans la série de documents du Collège royal. Les lacunes sur le plan des expériences de formation ont été établies et corrigées au début du processus de planification. Dans certains programmes, ce processus a pu nécessiter le réaménagement du programme d’enseignement structuré, l’ajout de possibilités cliniques ou le recrutement de professeurs ou de sites qui avaient accès aux expériences requises par les apprenants. Un rapport sur les écarts comparant le curriculum tel qu’il était avant l’instauration de la CPC et le nouveau curriculum a abordé tous les changements prévus, en particulier ceux qui ont une incidence sur la prestation des soins cliniques, lors du passage de l’ancien au nouveau curriculum.

La conception du curriculum et du plan d’évaluation a sans doute été l’aspect le plus intéressant de la planification de la CPC et a consisté à élaborer un document de synthèse énumérant toutes les composantes du programme (APC, expériences de formation, enseignement structuré, réunions du comité de compétence, etc.) et leur position les unes par rapport aux autres au cours de l’année.

Les stratégies de perfectionnement du corps enseignant et des apprenants ont été envisagées et planifiées en amont, car les changements importants apportés aux pratiques éducatives doivent être répétés dans le temps afin d’optimiser leur adoption.

Une planification rapide a également permis aux responsables de la CPC d’exploiter la richesse des ressources existantes et de les adapter pour garantir leur applicabilité actuelle. Un dossier centralisé de ressources sur le modèle fondé sur les compétences, contenant des résumés concis des informations utiles et des enregistrements des séances de perfectionnement des enseignants et des apprenants, a été créé à l’intention des enseignants et des apprenants. Il est fortement recommandé de recruter des spécialistes de l’éducation dans chaque site d’apprentissage et de faire participer ceux-ci au comité du programme de résidence ou au comité des opérations de la CPC. Ce faisant, ils ont pu servir de ressource pratique aux divers membres du corps professoral des différents sites de formation qui ont participé au programme de résidence de 6e année. La mise en œuvre des changements était multidimensionnelle, intégrait des méthodes d’enseignement non structurées et structurées, s’appuyait sur différents forums de communication (c.-à-d. réunions du personnel médical, réunions du comité du programme de résidence, courriels et encadrement individuel) et s’est déroulée dans le temps, à la fois avant et après le lancement officiel.

À l’étape suivante, l’élaboration d’outils d’évaluation a commencé en collaboration avec l’université qui a aidé à télécharger les APC du Collège royal sur la plateforme électronique choisie par l’hôpital (par exemple, dans le cas de l’Université de Toronto, le Centre de toxicomanie et de santé mentale a choisi la plateforme Elentra). La création des rapports d’évaluation en cours de formation a nécessité l’examen des rapports existants et des modifications à apporter pour correspondre au plan de stage. Les programmes peuvent également choisir d’intégrer des outils d’évaluation supplémentaires, y compris les auto-évaluations, la rétroaction multisources et les formulaires d’évaluation descriptive du coaching. La planification des stages s’est effectuée en parallèle, car les programmes ont dû décider si des modifications à leur ancien calendrier de stage étaient nécessaires pour répondre aux besoins du nouveau programme de formation fondé sur la CPC.

Au cours de l’année précédant le déploiement, il est recommandé que chaque programme dirige un comité de compétence afin d’établir un mécanisme d’examen des données d’évaluation et de la progression des résidents en tant que groupe, de discuter de manière réfléchie sur les points forts et les améliorations à apporter et de faire des recommandations pour optimiser et individualiser les expériences de formation. Au moment du déploiement officiel de la CPC, le comité de compétence s’est vu désigner un président chargé de superviser le processus de collecte de données, les réunions du comité et la rétroaction des résidents. Le comité comprendra généralement des superviseurs et possiblement des experts en éducation et des personnes possédant une expertise du contenu médico-légal. Compte tenu de la petite taille des programmes de psychiatrie légale et de la possible nature délicate de l’information abordée, il n’est généralement pas recommandé que les résidents de 6e année soient représentés au comité.

Enfin, les calendriers des apprenants et des sites de stage et de résidence ont été élaborés. Les enseignants et les apprenants ont suivi des séances de perfectionnement accélérées peu de temps avant le déploiement, et des séances de rappel et du soutien individuel ont été offerts au besoin.

En conclusion, le programme de formation fondé sur la CPC et le comité de compétence qui lui est rattaché offrent une occasion unique non seulement d’évaluer les progrès des résidents, mais aussi d’examiner la prestation du programme et sa capacité à former des psychiatres légistes compétents. L’évaluation du curriculum fondé sur la CPC et des outils d’évaluation utilisés dans le cadre de la CPC demeure indispensable pour déterminer à la fois les besoins des stagiaires en matière d’apprentissage et la réponse et l’adoption du nouveau modèle par le corps professoral, et pour y répondre. Le déploiement de la CPC dans le programme de spécialisation en psychiatrie légale offre l’occasion d’évaluer, de planifier et de mettre en œuvre des changements au sein du programme de manière à s’assurer que celui-ci répond aux besoins des personnes auxquelles il est destiné, dans les universités et les hôpitaux, et dans la société en général.

Références

1. Booth B, Chatterjee S, Watt J et coll. Toward a new model of training in Canadian forensic psychiatry. J Am Acad Psychiatry Law 2021;49(3):381–95.
2. Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Information par discipline. Ottawa, Ontario : auteur [cité le 21 juillet 2021]. Disponible à l’adresse https://www.royalcollege.ca/rcsite/ibd-search-f

L’ACPD vue de l’intérieur

Mise à jour de la section régionale de la C.-B.
Dr Andrew Kolchak et Dr Todd Tomita
Président, Section régionale de la C.-B.

Le comité de direction de la section régionale de la Colombie-Britannique a été remanié. Le nouveau comité de direction est composé des personnes suivantes :

1. Dr Andrew Kolchak, président
2. Dre Emlene Murphy, vice-présidente
3. Dre Jeanette Smith, secrétaire
4. Dr David Morgan, membre
5. Dr Rakesh Lamba, membre

La Dre Jeanette Smith est la nouvelle présidente du comité de planification des journées de formation en psychiatrie légale qu’organisent la division de psychiatrie légale de l’UBC et la section régionale de la Colombie-Britannique. Après une longue pause causée par la pandémie, nous espérons reprendre les événements en personne en 2022, mais peut-être à plus petite échelle. Espérons que nous pourrons le faire.

La Dre Emlene Murphy a été nommée à la tête de la division de psychiatrie légale de l’UBC. Par conséquent, nous sommes très bien représentés à la fois à l’UBC et à la Section régionale de la Colombie-Britannique.

Mise à jour de la section régionale du Québec
Fabien Gagnon, MD, MD, Psy. D., PGDipl., FCFP, FRCPC
Président, section régionale du Québec

Sans ordre précis, nos préoccupations sont actuellement les suivantes :

1. Dans certaines régions, les lits de soins psychiatriques médico-légaux sont occupés par des patients qui requièrent des soins psychiatriques généraux.

2. De plus en plus souvent, les psychiatres légistes sont appelés à faire des évaluations de psychiatrie générale, ce qui met beaucoup de pression sur les cliniciens en psychiatrie légale.

3. Il devient de plus en plus difficile de recruter des psychiatres légistes dans certaines régions du Québec, ce qui a comme effet de fragmenter l’accès des tribunaux aux services de psychiatrie légale.

4. Les unités de psychiatrie légale sont parfois occupées par des patients en psychiatrie générale violents.

5. Dans certaines régions, il n’y a pas assez de psychiatres légistes pour offrir des services psychiatriques dans les établissements correctionnels; pour compenser, le recours à des infirmières praticiennes spécialisées en soins médico-légaux est envisagé.

6. Le nouveau Guide d’exercice sur l’évaluation médicale indépendante et l’expertise médicale du Collège des médecins du Québec a été publié en juin 2021. Il est obligatoire pour les experts qui effectuent des évaluations à la demande d’un tiers de remplir un formulaire de déclaration de l’experte ou de l’expert à chaque évaluation.

7. Le gouvernement du Québec n’a pas encore terminé la révision annoncée de la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui. L’Association des médecins psychiatres du Québec devrait être consultée. La révision pourrait comprendre des précisions sur la participation des infirmières praticiennes en santé mentale.

8. La hiérarchisation des services de psychiatrie légale est en cours de développement.

Guide des nouvelles lignes directrices de l’ACPD
Todd Tomita, Graham Glancy

Le conseil d’administration de l’ACPD a récemment participé à un projet visant à élaborer 10 lignes directrices relatives aux domaines clés de l’évaluation et de la rédaction de rapports en psychiatrie légale. Ces domaines sont :

  • Principes généraux
  • L’aptitude à comparaître
  • La responsabilité pénale
  • L’évaluation du risque de violence
  • L’évaluation du risque chez les délinquants dangereux et les délinquants à contrôler
  • Comportement sexuel et risque de délinquance sexuelle
  • Évaluation de l’invalidité et rédaction de rapports sur l’invalidité
  • Aptitude au travail
  • Lésion corporelle
  • Inconduite et faute professionnelle

Ce projet est une initiative de la Dre Lisa Ramshaw, de la division de psychiatrie légale de l’Université de Toronto. Cette dernière a dirigé le projet et a réuni une équipe d’auteurs de l’Université de Toronto, composée d’elle-même et de la Dre Sumeeta Chatterjee, de la Dre Treena Wilkey, du Dr Graham Glancy et du président de l’ACPD, le Dr Todd Tomita. Cette équipe est devenue le comité directeur du projet.

Après avoir fait preuve de prévoyance et de vision en réunissant l’équipe du comité directeur, la Dre Ramshaw a mené le projet, avec l’approbation du conseil d’administration de l’ACPD, afin de constituer un groupe de travail national composé de représentants de la psychiatrie légale de partout au Canada. Le groupe de travail est composé de la Dre Lisa Ramshaw (présidente), de la Dre Aileen Brunet (côte est), du Dr Mathieu Dufour (Québec), de la Dre Jocelyne Brault (Québec), du Dr Brad Booth (Ontario), de Monsieur le juge Richard Schneider (Ontario), du Dr Jeffrey Waldman (Manitoba), du Dr Mansfield Mela (Saskatchewan), du Dr Alberto Choy (Alberta) et du Dr Todd Tomita (C.-B.).

Le projet en est maintenant à sa deuxième année, et chaque ligne directrice est à une phase légèrement différente de son élaboration finale. Pour établir chaque ligne directrice, l’équipe du comité directeur doit rédiger une première version de la ligne directrice. Une fois que cette version a atteint à un stade de développement raisonnable, elle est envoyée au groupe de travail national et chaque membre du groupe de travail contribue au document et le modifie. Un réviseur expert qui est un chef de file dans le domaine concerné par la ligne directrice évalue le projet de ligne directrice et y ajoute les modifications finales. La ligne directrice finale, qui est rédigée en anglais, est envoyée au conseil d’administration pour approbation. Une fois approuvée, la ligne directrice est traduite en français et les versions anglaise et française sont publiées en ligne sur le site Web de l’ACPD.

Le conseil d’administration de l’ACPD a adopté la première ligne directrice, intitulée Guide canadien sur l’expertise et la rédaction de rapports en psychiatrie légale : Principes généraux, le 23 juin 2021. Elle a été traduite en français et a été publiée sur le site Web de l’ACPD en guise de ressource pour les personnes intéressées. D’autres lignes directrices suivront à mesure que le processus avancera.

Notre objectif est de publier en ligne les neuf autres lignes directrices au cours de la prochaine année, car elles sont toutes à diverses étapes de leur élaboration.

Notre objectif premier est de faire en sorte que les lignes directrices soient pertinentes et applicables à l’échelle nationale, en définissant et en prenant en compte les nuances de la pratique dans les différentes provinces. Nous nous attendons à ce que le groupe de travail représentatif à l’échelle nationale et le réviseur expert qui participe au processus fassent en sorte que le document soit applicable à l’ensemble du Canada, car on sait que les provinces présentent des différences en matière de pratiques, d’interprétation et de mise en œuvre des méthodes utilisées en psychiatrie légale.

Les lecteurs savent que l’American Association of Psychiatry and the Law a produit une ligne directrice sur les évaluations judiciaires, mais il n’y a pas d’équivalent canadien. (1) Les lois canadiennes sont différentes des lois américaines et la pratique de la psychiatrie légale au Canada est distincte de celle des États-Unis, et ce, à plusieurs égards. Pour ces raisons, il apparaissait important de disposer de lignes directrices canadiennes pouvant servir de ressource aux personnes qui travaillent dans ce domaine.

Les lignes directrices se veulent une analyse des principes juridiques et des principes de la psychiatrie légale et visent à offrir des conseils pratiques et à servir de ressource aux apprenants, aux psychiatres légistes en début de carrière et à d’autres personnes impliquées dans la réalisation d’évaluations médico-légales.

Elles témoignent d’un consensus entre le conseil d’administration de l’ACPD et d’autres intervenants. Elles ne sont pas destinées à dicter une norme de soins ni à être utilisées à des fins juridiques.

Le projet de lignes directrices de l’ACPD représente une avancée importante pour la psychiatrie légale au Canada. Tous les membres de l’ACPD qui y ont participé devraient être félicités pour leur dévouement et leur engagement. Pour rester pertinentes, les lignes directrices doivent être des documents évolutifs, et nous espérons que les membres de l’ACPD feront part de leurs commentaires et accepteront de s’impliquer dans leur actualisation. Il s’agit d’un projet important; nous espérons que ces lignes directrices seront bien accueillies par les membres et qu’elles constitueront une ressource utile pour le domaine de la psychiatrie légale.

Références

1. Glancy GD, Ash P, Bath EP et coll. AAPL practice guideline for the forensic assessment. J Am Acad Psychiatry Law 2015;43(2 Suppl):S3–53.


Assemblée générale annuelle 2022 de l’ACPD

Lors de l’assemblée générale annuelle du 5 avril 2022, les membres ont élu les nouveaux administrateurs du conseil d’administration, chacun pour une durée de deux ans :

  • Dre Elizabeth Coleman
  • Dr Padraig Darby
  • Dr Mathieu Dufour
  • Dr Andrew Kolchak
  • Dr Sébastien Prat
  • Dre Lisa Ramshaw
  • Dr Jeff Waldman

De nouveaux dirigeants ont été nommés parmi les administrateurs lors de la première réunion du conseil d’administration, tenue le 4 mai 2022 :

  • Président : Dr Sébastien Prat
  • Vice-président : Dr Mathieu Dufour
  • Secrétaire : Dr Andrew Kolchak
  • Trésorier : Dr Padraig Darby

Chaque dirigeant est nommé pour un mandat d’un an.

Les membres ont également apporté deux modifications aux règlements de l’ACPD lors de l’AGA. La première permet aux anciens administrateurs qui ont effectué leur mandat maximal de six ans de revenir au conseil après une absence d’un an et la deuxième instaure des dispositions relatives au préavis pour l’élection des administrateurs.

Ces modifications sont le fruit d’une discussion qui a commencé à la table du conseil d’administration. L’ACPD est une petite organisation, et il n’y a pas toujours un nombre suffisant de membres prêts à assumer les responsabilités supplémentaires liées à la fonction d’administrateur. Le règlement relatif au préavis de mise en candidature aux postes d’administrateur aidera le Comité des mises en candidature à confirmer que les candidats à un poste d’administrateur sont dûment qualifiés conformément aux politiques de gouvernance et à veiller à ce que le processus électoral se déroule de manière ordonnée.